La « réinvention » a fait naître de nouveaux usages. A la collectivité de s'assurer qu'ils existeront un jour et de les réguler.
Il y a ceux qui encadrent et ceux qui... laissent faire. La Ville de Paris, pourtant peu réputée pour son laxisme en matière d'architecture et d'urbanisme, a ouvert la boîte de Pandore avec l'opération Réinventer Paris. D'autres collectivités ou groupements de villes lui ont emboîté le pas en lançant Réinventer la Seine, la métropole, les gares du Grand Paris... Plutôt que de suivre un programme imposé comme c'est le cas lors de consultations classiques, des groupements de promoteurs et d'investisseurs sont invités à imaginer des usages innovants et à les mélanger autant que faire se peut dans les immeubles ou les mini-quartiers qui leur sont confiés.
Habiter pour plus ou moins longtemps, travailler, se distraire, consommer, produire même, la densité urbaine se double désormais d'une concentration d'activités censée réduire les déplacements et faciliter la vie de tous. Elle sert surtout à rentabiliser, via des surfaces vendues très chères, des usages moins rentables. Comment expliquer cette évolution de la commande publique. Manque d'idées des collectivités ? Elles s'en défendent. Manque de moyens ? C'est plus audible : plutôt que de financer les études de faisabilité et de programmation, les villes vendent leurs terrains et transfèrent la responsabilité de ce qui sera construit dessus au privé qui est aussi chargé de choisir et de rémunérer les architectes et tous les autres partenaires qu'ils feraient travailler en phase concours.
Respect des intentions
Le système permet aussi « d'inventer » - et donc de valoriser - des terrains qui n'existent pas, comme des futurs ponts, la couverture d'infrastructures routières et sans doute bientôt de voies ferrées. Il revient par exemple à la Compagnie de Phalsbourg, lauréat sur le site de Pershing, porte Maillot, à Paris, de financer le franchissement du boulevard périphérique avant de construire son immeuble sur cette nouvelle parcelle. « Mieux vaut juger une intention qu'une belle image », pensent certains élus. A condition qu'elle soit respectée. Comment être sûr que les usages innovants sur lesquels le lauréat a été choisi le seront vraiment ? Comment le sanctionner s'il manque à ses promesses ? Comment seront gérés ces prototypes une fois vendus ? Par qui seront entretenus les espaces ouverts au public mais de statut privé ? Il reste à réinventer l'environnement contractuel de cette nouvelle manière de faire la ville.
Catherine Sabbah, Les echos